Enfin, nous avons fini de marcher. Mais ça ne va pas mieux : on nous a tous enfermés dans une espèce d’enclos, sale et sombre. Et on nous a enchaînés. Que vont-ils nous faire ?
Nous restons là à attendre, pendant des jours, des semaines… C’est long et très pénible. Ceux qui se révoltent sont battus. Mais on nous donne à manger et on nous oblige à nous laver. On dirait que les Blancs veulent qu’on soit en bon état.
Sur la côte ouest de l’Afrique, les Européens ont construit des forts. Ce sont de simples édifices en bois ou parfois de vraies forteresses. Elles ont été spécialement bâties pour permettre le commerce des esclaves et des marchandises. Des petites villes se développent autour.
Ici, il y a toutes sortes de prisonniers : moi, je suis un prince.
Moi, je suis cultivateur.
Et moi, je suis danseuse.
Quant à moi, je suis guérisseur. On nous a enlevés lors de razzias. Nous venons de l’Ouest ou du Centre de l’Afrique. Nous sommes de différentes tribus. Nous ne nous comprenons pas forcément et ne nous apprécions pas toujours.
Ah, je les tiens à l’œil, les bougres ! De toute façon, ils ne peuvent pas aller bien loin. Une longue chaîne les relie les uns aux autres aux pieds et à des anneaux rivés dans des poteaux.
Moussa, j’ai peur ! Je sais pourquoi les Blancs nous ont enlevés : ils veulent nous manger !
Moussa et des centaines d’autres prisonniers se retrouvent dans un sinistre marché : le marché aux esclaves. Des capitaines négriers défilent pour choisir les hommes comme des marchandises.
Moi, je suis le capitaine négrier. Je viens chercher des esclaves à embarquer. Je les choisis, je négocie leur prix et, à bord de mon navire, je gère tout ce qui les concerne : nourriture, hygiène…
Je n’achète pas les esclaves pour moi, je travaille pour un négrier. C’est un homme d’affaires, un bon bourgeois, qui veut s’enrichir avec ce commerce. Y a un problème ?
Mon métier ? Marchand d’esclaves. Mais je ne suis pas le seul. Il y a aussi des rois qui passent des accords avec les Blancs : ils échangent leurs prisonniers de guerre, leurs criminels, contre des marchandises intéressantes. Allez, achète mes esclaves, je te ferai un bon prix !
On nous examine comme un troupeau de vaches, dans tous les détails. On nous fait bouger, sauter, ouvrir la bouche… J’ai honte, mais je n’ose pas résister, j’ai trop peur d’être battu ou tué.
Bon, j’achète ces deux-là ! Ils m’ont l’air en bon état, pas malades et solides. Pas question d’acheter des vieux ou des infirmes, qu’on s’en débarrasse ! Je te les échange contre un baril de poudre et des perles de verre.
Deux barils de poudre !
D’accord. Marché conclu ! Les esclaves que j’achète, je les marque au fer rouge, pour les reconnaître.
Ahhhh !
Maintenant, on lève l’ancre. Je n’ai pas envie de traîner ici, au cas où leur tribu viendrait les délivrer.